N.B. Mêmes éditions pour l'écrit et l'oral.
La question du Home Rule, longtemps perçue et considérée comme une question anglo-irlandaise, s'est vue redéfinie par de récents travaux historiques montrant qu'il s'agit d'une question plus large, à la fois britannique et impériale, et invitant à une nouvelle approche susceptible de nourrir la réflexion des candidats, quelle que soit l'aire anglophone qui concentre leur intérêt.
En effet, si les nationalistes irlandais cherchaient à accroître l'autonomie de l'Irlande, leurs revendications eurent des échos dans les autres régions celtes du Royaume-Uni et dans plusieurs territoires coloniaux. Le Home Rule suscita ainsi des débats vigoureux sur la constitution britannique, sur l'Union et sur l'unité de l'Empire, provoquant par la même occasion une reconfiguration des paysages politiques dans les Îles Britanniques. Il s'agit donc d'étudier la question du Home Rule dans un cadre large, en accordant une attention particulière aux liens entre les différents territoires, à la réception des revendications nationalistes irlandaises en Grande-Bretagne et dans les colonies, aux relations entre centre et périphéries, aux mouvements et partis qui défendirent la cause de l'autonomie législative, aux débats sur l'avenir du Royaume-Uni et de l'Empire, et aux clivages politiques sur ces questions.
Si le terme de Home Rule est apparu dans le vocabulaire politique en 1858, la question devint véritablement un sujet de débats politiques intenses à partir de 1870. En Irlande, le protestant Isaac Butt constitua une association destinée à promouvoir une solution dite « fédérale » à la question d'Irlande (Home Government Association). Les tenants et aboutissants du projet furent présentés par Butt lui-même dans un ouvrage intitulé Irish Federalism: Its Meaning, Its Objectives and Its Hopes (1870). C'était le début d'un long combat pour les nationalistes modérés irlandais, dont on peut dire qu'il s'acheva en septembre 1914, lorsque le troisième projet de loi britannique sur l'autonomie de l'Irlande ou Home Rule Bill se trouva à la fois voté définitivement par le Parlement britannique et temporairement mis de côté en raison de la décision du Royaume-Uni de prendre part à la Grande Guerre.
Bien que le cas de l'Irlande ait été un sujet particulièrement préoccupant entre 1870 et 1914, le thème proposé invite à traiter une question qui agita également le reste du Royaume-Uni pendant la même période. On peut rappeler qu'en mai 1886, une Scottish Home Rule Association vit le jour à la suite de la création d'un Scottish Office l'année précédente. Une organisation favorable à l'autonomie galloise baptisée Cymru Fydd fut aussi fondée à Londres en 1886, quatre ans après que l'instauration du Home Rule à l'échelle du Royaume-Uni eut été promue lors de l'Eisteddfod de Denbigh. En 1914, la Première Guerre mondiale mit en suspens non seulement l'application du Home Rule Act irlandais mais aussi les discussions engagées à partir de février sur des projets d'autonomie pour le pays de Galles et l'Écosse. À la même date, la Scottish Home Rule Association connut un déclin important.
La question du Home Rule doit donc se comprendre comme un débat sur l'Union qui concerna à la fois l'ensemble du Royaume-Uni et chacune de ses nations constitutives, y compris l'Angleterre. Étudier les liens et les contacts entre les différentes associations luttant pour l'autonomie politique dans chaque nation sera donc nécessaire. Il faudra prêter attention à leur développement et à leurs différences : elles n'eurent ni la même taille, ni la même influence ; surtout elles cultivèrent des aspirations politiques qui ne coïncidaient pas forcément entre elles et ne furent pas toujours solidaires les unes des autres. Les aspirations à davantage d'autonomie administrative et législative se retrouvèrent aussi parfois associées ou mises en concurrence avec d'autres revendications : celles qui concernaient la question des terres (Irlande, Écosse et pays de Galles) ou encore celles qui touchaient les questions religieuses ou les questions d'éducation (Irlande et pays de Galles).
Il convient également de replacer les débats britanniques sur l'avenir constitutionnel de l'Union dans le cadre géographique plus large de l'Empire. En effet, pour les opposants au Home Rule, une des objections majeures à l'autonomie de toute partie du Royaume-Uni, notamment celle de l'Irlande, était qu'un tel projet risquait de provoquer le démembrement de l'Empire. Or, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, l'Empire britannique connut des évolutions importantes. Les colonies de peuplement européen (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) accédèrent à davantage d'autonomie politique. Au cours de la même période, d'autres territoires sous le contrôle du Royaume-Uni (Egypte, Inde, Afrique méridionale) connurent l'émergence de mouvements de contestation de la domination coloniale britannique et des guerres coloniales. Ces évolutions et événements inspirèrent les partisans du Home Rule, britanniques ou irlandais. Au cours des mêmes décennies, le combat mené par ceux qui, au Royaume-Uni et notamment en Irlande, aspiraient à davantage d'autonomie politique fut considéré comme une source d'inspiration dans le reste de l'Empire. Sans exiger des candidats qu'ils maîtrisent la question de l'émergence d'identités nationales au sein de l'Empire dans toute sa complexité, on pourra cependant attendre d'eux qu'ils soient en mesure d'appréhender la dimension transnationale du Home Rule.
Le terme de Home Rule recouvre une diversité de projets. Employé concurremment à d'autres formules (devolution, federal devolution, federal union, decentralisation, federal Home Rule, local self-government, national self-government ou Home Rule all round), l'expression Home Rule fit parfois office de simple slogan, de cri de ralliement ou d'invitation à négocier. Des projets beaucoup plus détaillés furent cependant rédigés ou présentés. Dans le cas de l'Irlande, Westminster eut à statuer sur trois projets de loi déposés en 1886, 1893 et 1912. Il conviendra d'accorder une attention toute particulière à ces sources, d'autant plus que le projet de Home Rule supposait de résoudre un certain nombre de questions complexes : celle du partage des tâches et de la relation constitutionnelle entre Westminster et les parlements locaux ; celle du maintien de députés irlandais, écossais et gallois au Parlement de Westminster ; et celle de la participation des trois nations devenues autonomes au budget du Royaume-Uni et de l'Empire.
Dès 1871, Gladstone avertit que si l'Irlande devenait autonome, alors l'Écosse et le pays de Galles seraient tout autant en droit de réclamer davantage d'autonomie législative. Plusieurs figures politiques britanniques envisagèrent des mesures susceptibles de s'appliquer à chacune des nations composant le Royaume-Uni, Angleterre comprise (J. B. S. Haldane, Lord Loreburn et surtout Winston Churchill et David Lloyd George). Le débat provoqué par les trois projets de loi britanniques sur l'autonomie de l'Irlande encouragea les nationalistes modérés écossais et, dans une moindre mesure, ceux du pays de Galles, à faire entendre leur voix. Pas moins de treize projets proposant l'autonomie de l'Écosse furent ainsi déposés à Westminster entre 1890 et 1914. Dès 1891, un projet de loi suggérant la création d'une assemblée galloise (National Council) fut déposé à deux reprises puis abandonné. Les débats sur l'autonomie de l'Irlande en 1893, puis à partir de 1910, ravivèrent les débats concernant l'Écosse et le pays de Galles (en 1894 et 1895, en 1898- 1899, puis à nouveau entre 1912 et 1914).
Se familiariser avec quelques-uns de ces débats permettra aux candidats de percevoir les spécificités des projets d'autonomie gallois et écossais mais aussi ce qui put rapprocher nationalistes irlandais, écossais et gallois. Pour ces nationalistes, obtenir le Home Rule signifiait effectivement qu'un parlement serait établi ou rétabli en Irlande, en Écosse ou au pays de Galles, et que l'Union serait redéfinie mais pas forcément abolie. Certes, les discours des Home Rulers irlandais adoptèrent parfois un ton plus radical afin d'obtenir le soutien moral et financier de la diaspora, ou parce que leur mouvement se voyait concurrencé par d'autres organisations. Mais pour les nationalistes gallois et écossais, il ne fut jamais question de séparation, et avoir son propre parlement offrait surtout la garantie que les affaires écossaises ou galloises seraient gérées selon les intérêts de l'Écosse ou du pays de Galles.
La notion de Home Rule ne fut guère source de consensus et les mouvements favorables au Home Rule furent eux-mêmes parfois profondément divisés. Le groupe parlementaire irlandais (Irish Parliamentary Party) se scinda en deux camps à la suite de la chute politique de son fondateur Charles Stewart Parnell en 1890. En dépit d'une réconciliation en 1900, des clivages importants persistèrent et affaiblirent le parti. Au pays de Galles, le mouvement en faveur du Home Rule pâtit également des divisions socio-économiques entre le nord et le sud ; la crainte qu'une assemblée basée à Cardiff puisse privilégier les intérêts de l'une de ces régions empêcha l'unité des partisans de l'autonomie législative galloise et contribua à la disparition de Cymru Fydd.
En dépit de leurs divisions internes, les mouvements nationalistes modérés qui prônèrent le Home Rule exercèrent parfois une influence majeure sur la vie politique britannique. En Irlande, le groupe de députés indisciplinés menés par Isaac Butt céda la place, sous la houlette de Parnell, à un parti organisé et uni, soutenu par la diaspora, qui obtint une majorité des sièges irlandais dès le mois de décembre 1885. Cette première victoire, qui modifia le paysage politique irlandais, fut significative à l'échelle du Royaume-Uni : elle permit aux parlementaires nationalistes irlandais de déterminer la couleur du futur gouvernement britannique. Une alliance entre les nationalistes irlandais et une majorité du Parti libéral dirigé par Gladstone, désormais lui-même partisan du Home Rule, fut inaugurée mais la ligne de fracture entre les deux grands partis britanniques fut simultanément redessinée. Une minorité de libéraux opposés au Home Rule pour l'Irlande rallièrent les conservateurs, formant ainsi un camp unioniste britannique.
Ce bouleversement, qu'il conviendra d'examiner attentivement, eut des répercussions en Écosse et au pays de Galles, où les réformes électorales qui avaient vu le jour au cours du XIXe siècle avaient fait du Parti libéral le premier parti politique. À l'image de leurs homologues anglais, les libéraux écossais se divisèrent entre partisans du Home Rule, ralliés à Gladstone, et libéraux unionistes. Mais contrairement à ce qui se produisit en Irlande, les partisans écossais ou gallois du Home Rule ne formèrent pas de parti indépendant aux Communes ; les projets d'autonomie écossais ou gallois furent déposés par des députés libéraux de l'Écosse ou du pays de Galles. Et si les députés libéraux gallois fondèrent en 1888 un parti parlementaire libéral gallois (Welsh Parliamentary Liberal Party), la tentative de Lloyd George de former un parti gallois uni et totalement indépendant des instances du Parti libéral anglais échoua entre 1895 et 1896. Ces clivages et ces relations entre partis supposent que l'on accorde une attention toute particulière aux différents points de vue britanniques sur le Home Rule (libéraux de toutes origines, conservateurs et libéraux unionistes).
Dans les vingt dernières années du XIXe siècle, le paysage politique britannique évolua d'autant plus qu'émergea alors l'idée d'une représentation politique de la classe ouvrière. Sans en faire une question prioritaire, il ne faudra pas négliger les liens entre cette nouvelle force politique, encore minoritaire, et les mouvements en faveur du Home Rule.
La divergence entre Home Rulers et unionistes eut des caractéristiques spécifiques en Irlande. Le ralliement de l'Eglise catholique irlandaise au parti de Parnell dès 1884 et le soutien d'une majorité de libéraux au Home Rule pour l'Irlande poussèrent les partisans de l'Union à s'organiser. Ce nouveau clivage politique fut reflété lors des élections législatives. Les partis politiques britanniques cessèrent d'être représentés en Irlande, cédant la place à deux partis irlandais rivaux : un parti nationaliste (Irish Parliamentary Party) majoritaire, et un parti unioniste beaucoup plus réduit. L'activité des unionistes irlandais, dont les idées et grands discours devront être connus des candidats, culmina pendant les années où le Home Rule pour l'Irlande domina le débat politique : en 1886, 1893, 1905 et à partir de 1910, date à laquelle les unionistes d'Irlande et notamment d'Ulster se radicalisèrent. Ils contribuèrent, avec leurs rivaux nationalistes, à faire peser sur l'Irlande la menace d'une guerre civile. Tous les camps furent alors contraints d'envisager la solution d'une partition de l'Irlande.
La présidence de Barack Obama fut inédite par la dimension symbolique de l'élection du premier président afro-américain à la Maison-Blanche. Elle fut également controversée. Dans les rangs du Parti républicain et de la mouvance conservatrice, des soupçons furent exprimés quant à son penchant supposé pour le socialisme, sa religion ou son lieu de naissance, jetant ainsi le doute sur sa légitimité de chef de l'État, puisqu'une personne née hors du territoire américain n'est pas éligible à la fonction présidentielle. À l'inverse, ses partisans virent en lui le sauveur d'une Amérique affaiblie moralement, diplomatiquement et économiquement lors de la présidence de George W. Bush (2001-2009), discréditée à leurs yeux par la « guerre contre la terreur » et une crise économique de premier plan. La campagne présidentielle de 2009 suscita ainsi l'espoir d'un grand changement chez les électeurs d'Obama, pour qui il incarnait la possibilité d'un renouvellement de la présidence, de l'État fédéral et de la société, ainsi que l'éventualité d'une amélioration du sort des minorités et d'une réduction des inégalités. Le degré de concrétisation de ces espoirs constitue l'un des critères à l'aune desquels un état de lieux de la présidence Obama peut être établi. D'autres paramètres pertinents sont également à prendre en compte, tels que la trajectoire personnelle et politique d'Obama, le contexte économique dont il hérita en 2009, ou encore la nature du système politique américain, caractérisé par une séparation des pouvoirs qui limite la marge de manœuvre du président.
Les modalités d'action d'Obama évoluèrent en fonction de la composition politique du Congrès : s'il put s'appuyer initialement sur une majorité démocrate dans les deux chambres, il dut faire face à une majorité républicaine à la Chambre des représentants à partir des élections législatives de 2010, puis au Sénat à partir de 2014. En politique intérieure, comme en politique étrangère, les années Obama furent caractérisées par la recherche constante du compromis. Cependant, une posture présidentielle en apparence moins impériale (pour reprendre le terme employé par A. Schlesinger dans son ouvrage The Imperial Presidency), conjuguée à des erreurs de communication à propos du programme de ses deux mandats, a facilité la tâche d'une opposition décidée à faire obstruction. L'échec de la nomination de Merrick Garland à la Cour suprême en 2016 illustre ces difficultés. Obama, dont les talents d'orateur l'aidèrent à remporter deux élections de suite avec une majorité du vote populaire, dut revoir ses ambitions à la baisse. Pour cerner les rapports de force, il conviendra de tenir compte des interlocuteurs du président, tant démocrates que républicains. Parmi les principaux acteurs de la période, on retiendra des conseillers et ministres influents de l'administration Obama (par exemple, Hillary Clinton, Rahm Emmanuel, Timothy Geithner, John Kerry, Jacob Lew, Susan Rice et Lawrence Summers), ainsi que les dirigeants de l'opposition, notamment John Boehner, John McCain, Mitch McConnell, Mitt Romney et Paul Ryan.
On tâchera d'examiner la présidence Obama à l'aune d'un ensemble de promesses, de mesures et de résultats, en s'attachant au positionnement idéologique et à la stratégie politique du candidat puis du président, ainsi qu'au contexte socio-culturel de la période concernée. Un tel examen appelle une étude multidimensionnelle, qui peut s'articuler autour de cinq enjeux principaux.
L'une des questions les plus épineuses à laquelle Obama dut faire face fut celle de l'économie. À son arrivée au pouvoir, il hérita d'une situation de crise économique extrêmement grave, dont l'ampleur, la nature et les conséquences, telles que les licenciements et saisies de logements (foreclosures), lui valurent le nom de Grande Récession, en écho à la Grande Dépression qui suivit le krach boursier de 1929. Les mesures fiscales, monétaires et économiques prises par l'administration Obama pour y faire face furent considérables, et si elles n'eurent pas le retentissement du New Deal des années 1930, elles aboutirent néanmoins au sauvetage de l'industrie automobile et des banques. En 2009, le plan de relance de l'économie (American Recovery and Reinvestment Act) permit de réduire le chômage, tandis que la loi Dodd-Frank de 2010 visait à mieux réguler le système bancaire. Sur ces points, il conviendra de privilégier la portée idéologique et le débat politique autour du stimulus et de la politique de sauvetage des grandes entreprises plutôt que les aspects purement techniques de la politique économique menée par l'administration Obama.
Le champ d'intervention des pouvoirs publics étant très vaste dans le domaine de la politique sociale, il s'agira de mettre l'accent sur les mesures politiques fortes ou à portée symbolique. La réforme du système de santé (Obamacare) demeure l'action la plus emblématique de la présidence Obama en matière de politique sociale. Les tergiversations, les maladresses politiques et l'opposition farouche des conservateurs, démocrates autant que républicains, vidèrent le texte de loi (Patient Protection and Affordable Care Act) d'une grande partie de sa substance, témoignant ainsi de la difficulté politique à réformer en profondeur le système de santé. On peut penser que, malgré cette réforme, la politique sociale de l'administration Obama s'inscrivit dans la droite lignée de celle de ses prédécesseurs. Qu'il s'agisse de l'enseignement, des Faith-Based Initiatives ou de l'aide aux plus démunis, Obama semble avoir opté pour la continuité plutôt que pour la rupture.
Sur cet enjeu comme sur les autres, il faut tenir compte du blocage systématique du Congrès et des incohérences de la Maison-Blanche. Les promesses écologiques d'Obama, esquissées dans sa campagne électorale de 2008, enthousiasmèrent les écologistes. Mais très vite, les choix économiques reléguèrent la question environnementale au second plan. Obama semblait penser que sa réélection en 2012 dépendrait principalement du taux de chômage, de la croissance, de la compétitivité économique et du compromis avec le Congrès, même si son discours officiel continuait à articuler transition énergétique et croissance économique. En 2013, en revanche, libéré du fardeau de la réélection, Obama déclara : « si le Congrès n'agit pas [en faveur de l'environnement] pour protéger les générations à venir, moi, je le ferai », annonçant un deuxième mandat marqué par des décisions importantes en matière environnementale. En novembre 2015, il rejeta le projet d'oléoduc géant Keystone XL et annonça le Clean Power Plan concernant le charbon. La signature, au siège de l'ONU à New York en 2016, des accords de Paris (COP21) consacra Obama comme président favorable à l'écologie. Mais les obstacles juridiques auxquels le Clean Power Plan dut faire face, tant devant la Cour suprême que devant la Cour d'appel fédérale, illustrent à la fois la complexité du système politique américain et la difficulté de porter un jugement sur la politique de l'administration Obama sans tenir compte des contre-pouvoirs.
La politique étrangère américaine est guidée par des intérêts inscrits dans la durée. L'opposition d'Obama à la guerre en Irak laissa présager qu'en arrivant au pouvoir, il allait être confronté à l'inertie du complexe militaro-industriel. Si elle fut réelle, le président réussit pourtant à infléchir la politique extérieure de son pays sur de nombreuses questions, notamment vis-à-vis de l'Iran et de Cuba. Mais à force de vouloir se démarquer de son prédécesseur et éviter une démarche de nature idéologique, Obama se vit critiqué pour son indécision, et parfois pour son improvisation. Aux yeux d'un bon nombre de conservateurs, il faisait figure de fossoyeur de la puissance, de l'hégémonie et du leadership américains. Le cadre doctrinal de la politique étrangère de l'administration Obama s'avère difficile à décoder, ce qui s'explique en partie par l'échec de l'unilatéralisme bushiste des années 2000 et par la complexité inhérente à l'utilisation du smart power prôné par Obama. Le bilan comporte des échecs indéniables. Après le discours prometteur du Caire en 2009, Washington ne parvint pas à résorber la fracture entre le monde musulman et l'Occident, ni à faire avancer la cause de la paix au Proche-Orient. Quant au soutien apporté à l'intervention militaire franco-britannique en Lybie en 2011, il fut contesté, tout comme le refus d'intervenir en Syrie en 2013 malgré l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien.
La victoire d'Obama à l'élection présidentielle de 2008 eut un impact immédiat sur l'image des États-Unis, ternie par l'invasion de l'Irak en 2003. La promesse de retirer les troupes américaines d'Irak et de fermer la prison de Guantanamo laissait penser qu'un terme serait mis à certaines dérives des néoconservateurs, ce que le comité Nobel encouragea en attribuant le prix de la Paix au président américain dès 2009. Or non seulement le centre d'incarcération de Guantanamo ne fut pas fermé, mais le nombre de personnes tuées à l'étranger par des drones de l'armée américaine, hors de tout cadre juridique reconnu, augmenta. En 2013, l'affaire Snowden montra que l'État américain se dotait de moyens de surveillance contraires aux principes en vigueur. De même, si le discours de campagne sur la notion de race, prononcé à Philadelphie le 18 mars 2008, laissait penser que la société étatsunienne avait évolué sur la question raciale, tendant vers une plus grande égalité républicaine, l'élection de 2008 fut suivie par une augmentation des violences policières contre les Noirs et une polarisation accrue du débat public, avant que l'élection de 2016 ne porte au pouvoir un candidat décidé à détricoter le legs de son prédécesseur.
La participation élevée lors de l'élection présidentielle de 2008 reflète les grands espoirs suscités chez nombre d'électeurs par la campagne d'Obama. Ces espoirs furent en partie déçus car, contrairement à Franklin Delano Roosevelt ou Ronald Reagan par exemple, Obama ne parvint pas à transformer la société. Au bout du compte, il fut un président gestionnaire et réformateur, plutôt que fondateur. Mais au-delà d'un bilan sans doute mitigé, il s'agira d'étudier le contexte historique de la présidence Obama, ainsi que ses enjeux politiques, sociaux et économiques, avec la distance critique nécessaire pour prendre la pleine mesure de ces huit années de pouvoir.
Le capitaine James Cook compte parmi les grands explorateurs de l'histoire : ses trois expéditions, en 1768- 1771, 1772-1775 et 1776-1779, permirent d'établir une cartographie presque définitive de l'océan Pacifique. Dans le monde anglophone, sa mémoire est liée en particulier à la découverte de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, ainsi qu'à l'étape essentielle que ses explorations ont marqué dans la construction de l'Empire britannique. Ses journaux de bord constituent une source importante pour étudier un moment décisif de l'histoire de l'empire britannique. Ils témoignent du regard porté par Cook sur les peuples du Pacifique, un regard influencé par les discours coloniaux et les objectifs économiques et scientifiques des différentes expéditions.
L'édition de Philip Edwards (Penguin, 1999) sera retenue pour étudier ces documents historiques. Il s'agit d'une version condensée de l'édition de référence établie par John Beaglehole (Cambridge University Press, 1955-1967), professeur d'histoire à l'Université de Wellington, sur la base des manuscrits originaux de Cook conservés à la National Library of Australia et à la British Library. Cette édition se distingue des comptes rendus antérieurs des voyages de Cook, souvent écrits par des tierces personnes à partir de deux sources : les livres de bord (logbooks) complétés par le capitaine et les officiers au fil des heures, et les journaux de bord (journals) tenus par plusieurs membres de l'équipage, parmi lesquels James Cook et Joseph Banks, qui s'appuyèrent sur les livres de bord pour rédiger leurs propres textes. Si les divers comptes rendus des voyages, publiés dès 1771, assurèrent la renommée de Cook, il fallut attendre l'édition de Beaglehole pour disposer d'une version intégrale fidèle aux notes du navigateur, et celle d'Edwards pour que le texte de Cook soit mis à la portée d'un public plus large.
On abordera ces journaux de bord selon plusieurs angles d'étude. On s'intéressera tout d'abord à la portée historique des trois voyages d'exploration de Cook, qui, en l'espace d'une décennie, mirent fin à la croyance largement répandue en Europe selon laquelle il existait des terres riches et fécondes dans l'hémisphère sud. La recherche d'une Terra Australis Incognita avait été à l'origine de nombreux voyages de découverte européens dès le XVIe siècle, comme ceux de l'Espagnol Alvaro de Mendana en 1567 et 1595, de Francis Drake en 1577, des Hollandais Le Maire et Schouten en 1615 et Tasman en 1642, de William Dampier entre 1683 et 1707, ou du Hollandais Jacob Roggeveen en 1721. En 1767, dans un ouvrage paru un an seulement avant le départ de Cook (An Account of the Discoveries made in the South Pacifick Ocean, Previous to 1764), l'hydrographe Alexander Dalrymple avait exprimé sa conviction qu'il existait des « terres étendues entre le Tropique et le 50e degré de latitude sud », exemple célèbre des hypothèses géographiques alors en vogue. Lors de son second voyage, Cook franchit le cercle polaire, où il se trouva bloqué par la banquise. Pendant son troisième voyage, il échoua dans sa recherche du passage du nordouest, mais ses relevés cartographiques de la côte ouest du Canada ouvrirent la voie au commerce des peaux pour les Britanniques. Les journaux de bord rendent ainsi compte des postulats géographiques que Cook chercha à vérifier, ses découvertes venant compléter et corriger les théories en vigueur.
Il conviendra également d'aborder les principaux aspects technologiques et scientifiques des expéditions de James Cook, et le retentissement qu'ils eurent dans l'histoire des idées et des mentalités. On s'intéressera aux technologies novatrices, comme celle de nouvelles horloges performantes, aux remèdes innovants contre le scorbut, ou encore aux procédés servant à produire de l'eau potable. On s'attachera aussi aux recommandations que fit Cook à l'Amirauté britannique, parmi lesquelles figure l'acquisition de navires à faible tirant d'eau, comme l'Endeavour, plus adaptés au cabotage dans les archipels du Pacifique et à la navigation dans les estuaires. La raison officielle du premier voyage était d'ordre scientifique : il s'agissait, sur la demande de la Royal Society, d'observer le transit de Vénus depuis Tahiti, afin de mieux calculer la distance de la Terre au Soleil. Cook emmena avec lui des astronomes, mais aussi des artistes, des naturalistes et des botanistes. Joseph Banks, qui participa au premier voyage, contribua en tant que botaniste aux avancées scientifiques de l'expédition, notamment par la collecte de spécimens. Il employa l'artiste Sydney Parkinson, dont les dessins et peintures furent publiés de façon posthume par Banks, promu Président de la Royal Society en 1778. Johann et Georg Forster, naturalistes reconnus, accompagnèrent Cook lors de son second voyage, tout comme le peintre William Hodges, tandis que John Weber, également artiste, participa au troisième. Tous avaient connaissance des instructions données par la Royal Society aux voyageurs : il s'agissait d'améliorer et de diffuser la connaissance de la géographie, de la faune et de la flore, du climat et des populations, et de contribuer ainsi au rayonnement de la Grande-Bretagne. La présence en Angleterre du Tahitien Omai, ramené par Cook de son second voyage, suscita un engouement dans les milieux populaires tout autant que parmi les intellectuels. Pièces de théâtre et portraits favorisèrent la diffusion de la notion du « bon sauvage » et une réflexion plus large sur la société, la morale et la loi naturelle, réflexion nourrie par des penseurs britanniques et français tels que Lord Monboddo (Origins and Progress of Language, 1773-1776), Lord Kames (Sketches on the History of Man, 1774), William Alexander (The History of Women, 1779), et Denis Diderot (Supplément au Voyage de Bougainville, 1796).*
Il sera nécessaire de situer les voyages de James Cook dans leur contexte géopolitique, c'est-à-dire dans le cadre du partage du monde entre les grandes puissances. La Grande-Bretagne, tout juste sortie victorieuse de la Guerre de Sept Ans, s'engagea aussitôt dans un nouvel effort d'expansion de son empire. Elle cherchait à prendre possession de nouveaux territoires afin de promouvoir son commerce et d'asseoir sa puissance maritime face aux ambitions des puissances rivales qu'étaient l'Espagne et la France. En effet, à cette même période, la France avait, juste après Samuel Wallis et avant James Cook, envoyé Louis-Antoine de Bougainville autour du monde (1766-1769) avec un même objectif d'expansion. En 1769, Jean-François de Surville arriva en même temps que Cook en Nouvelle-Zélande, suivi en 1771 par Marc-Joseph Marion-Dufresne. Quant à l'Espagne, elle annexa l'île de Pâques en 1771, en réaction aux initiatives britanniques. Les expéditions de Cook eurent pour résultat de contribuer à établir une présence britannique durable dans le Pacifique, notamment à la suite de la découverte des côtes orientales de l'Australie et de la cartographie précise qui fut faite de la Nouvelle-Zélande.
On étudiera ces voyages à l'aune des théories de l'époque des Lumières sur la prise de possession de territoires habités (discovery doctrines), en tenant compte de la variété des débats sur cette question. Le principe général était simple : un territoire pouvait être revendiqué au nom d'un souverain dès lors que les autochtones y consentaient. Mais son application fut plus complexe. On pourra se référer aux commentaires d'Emerich de Vattel, auteur d'un ouvrage fondateur du droit international (Le Droit des gens : Principes de la loi naturelle, appliqués à la conduite et aux affaires des Nations et des Souverains, 1758), et de William Blackstone, jurisconsulte anglais, pour mieux comprendre la pensée européenne relative à cette question à l'époque de Cook. Une population nomade, comme les Aborigènes d'Australie, pouvait ainsi être dépossédée de terres qu'elle n'exploitait pas, alors que le droit des Maoris néo-zélandais, aux pratiques horticoles sédentaires, à posséder leurs terres fut reconnu par le traité de Waitangi (1840).
Il conviendra enfin d'étudier la réception des écrits de James Cook, leur diffusion et leurs traductions, parfois même leur dévoiement, au XVIIIe siècle. On pourra en parallèle réfléchir au statut de l'explorateur. La publication de ses journaux de bord contribua de manière durable à sa renommée, notamment lors de l'expansion impériale britannique aux XVIIIe et XIXe siècles. Mais depuis lors, des relectures post-coloniales de ses écrits ont suscité des débats. Le rattachement de l'Australie à la Couronne britannique fut contesté au XXe siècle, comme en atteste l'affaire Mabo : la Haute Cour de justice australienne reconnut aux Aborigènes un droit naturel à leur terre ancestrale en 1992, et ce droit fut traduit dans la loi par le Native Title Act (1993) qui rejeta la doctrine de terra nullius. La critique s'interroge également sur le comportement et l'état d'esprit de Cook lors de son ultime voyage, ce qui a, selon Glynn Williams (The Death of Captain Cook: A Hero Made and Unmade, Profile Books, 2008), contribué à remettre en question son statut de héros.
*Voir Bernard Smith, European Vision and the South Pacific, OUP, 1960 ; A. Twells, The Civilising Mission and the English Middle Class, 1792-1850. The 'Heathen' at Home and Overseas, Palgrave Macmillan, 2009.
N.B. : Les éditions sont données à titre indicatif.
Le programme sur le site du Ministère de l'Education Nationale.