Après la monarchie, la BBC est sans doute l'institution britannique la plus célèbre à travers le monde, ainsi qu'une référence internationale en matière de journalisme. Fondée en 1922, la BBC a accompagné les Britanniques sur plusieurs générations, à travers les crises politiques et les changements sociaux du pays. Surnommé de manière affectueuse « Auntie » ou « the Beeb », mais souvent critiqué, ce service public de l'audiovisuel occupe une place importante dans la vie de la nation.
Il s'agira d'étudier l'histoire de la BBC depuis sa fondation, en passant par le début des diffusions télévisées en 1937, jusqu'à sa mue numérique en 1995, étape qui marque la fin de ce qui peut être considéré comme l'ère classique de l'audiovisuel britannique. On accordera une attention particulière au statut juridique de l'institution, à sa place dans le paysage audiovisuel et à sa relation avec le pouvoir politique. Le modèle économique de la BBC mérite aussi d'être étudié, en particulier les modalités de son financement. Du point de vue culturel, le contenu des programmes et la manière dont leur choix est décidé retiendront l'attention ; si le rôle des dirigeants de la BBC et des équipes de production est essentiel, il évolua au fil du temps, en fonction des attentes du public et des changements de la société.
Le paysage audiovisuel
La BBC, originellement la British Broadcasting Company, fut créée en octobre 1922 par un groupe de pionniers de la radiodiffusion. John Reith, ingénieur écossais de 33 ans, en fut nommé General Manager. En 1927, à la suite des rapports des commissions Sykes (1923) et Crawford (1926), la BBC devint une entreprise de service public, constituée par charte royale en tant que British Broadcasting Corporation, avec pour mission d'« informer, éduquer et divertir » ses auditeurs et financée par le biais d'une redevance.
Entre 1922 et 1936, la BBC produisit exclusivement des programmes radiophoniques, dont elle avait alors le monopole. Ces premières années furent caractérisées par nombre d'innovations, depuis la diffusion de pièces de théâtre écrites pour la radio jusqu'à des débats électoraux, qui rencontrèrent un succès certain. La proportion de foyers équipés d'un poste de radio augmenta rapidement pour atteindre les trois quarts en 1938.
A partir de 1937, la BBC diffusa ses premières émissions télévisées, interrompues par la Seconde Guerre mondiale, mais la retransmission du couronnement d'Elizabeth II en 1953 consacra la place de ce nouveau média dans le paysage audiovisuel britannique. En 1950, à peine plus de 4 % des foyers disposaient d'un téléviseur, mais ils étaient plus de 90 % en 1964.
Le monopole télévisuel de la BBC prit fin en 1954 au moment de la création d'une entité privée, Independent Television (ITV), suivie en 1982 par la création d'une autre chaîne de service public, Channel 4, ainsi que d'une déclinaison galloise, S4C. De son côté, la BBC obtint en 1964 une seconde chaîne de télévision, BBC 2. L'arrivée de la télévision par câble en 1983 et par satellite en 1989 élargit l'offre mais contribua par la même occasion à éclater le paysage audiovisuel.
S'agissant des radios, elles furent réorganisées au sortir de la Seconde Guerre mondiale afin de mieux répondre aux attentes de la population. La BBC Home Service proposait notamment des informations, tandis que la BBC Light Programme offrait de la musique et des émissions de divertissement populaires, et la BBC Third Programme de la musique classique et des émissions culturelles. En 1967, ces radios devinrent respectivement Radio 4, Radio 1 et Radio 3, auxquelles s'ajouta Radio 2, chacune ayant un positionnement propre dans un paysage marqué par l'ouverture des ondes aux radios privées à partir de 1973.
La BBC et le pouvoir politique
L'indépendance de la BBC est garantie par sa charte, dont le renouvellement décennal permet toutefois au gouvernement d'exercer une influence sur l'institution. Son Conseil des directeurs (Board of Governors), composé de douze membres nommés par le Premier ministre, devait rendre des comptes au Parlement et aux auditeurs. Sous l'autorité de son Président (Chairman of the Board), le Conseil décidait de la stratégie, nommait le Directeur général et publiait des rapports annuels, tandis que la programmation relevait de la responsabilité du Directeur général et de son équipe.
Le traitement de l'actualité fut souvent à l'origine de désaccords avec le gouvernement. Lors de la grève générale de 1926, John Reith, Directeur général, chercha à gagner la confiance du public en diffusant plusieurs points de vue, mais il subit de fortes pressions gouvernementales pour ne pas donner la parole au dirigeant du Parti travailliste. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la BBC refusa de devenir un instrument de propagande aux ordres du gouvernement, mais participa néanmoins au maintien du moral de la population et accepta de censurer toute information susceptible de compromettre la sécurité nationale. La manière dont la BBC couvrit la crise de Suez (1956), les grèves des années 1970 ou la guerre des Malouines (1982) fit l'objet de polémiques, tout comme certains documentaires produits par l'équipe de Panorama, célèbre émission d'information diffusée depuis 1953.
Une autre source de tensions entre le gouvernement et la BBC tient à son modèle économique. Après la Seconde Guerre mondiale, l'audiovisuel connut une expansion rapide, ponctuée par plusieurs rapports officiels – dont le rapport Beveridge en 1951, le rapport Pilkington en 1962 et le rapport Annan en 1977 – qui abordèrent les questions du financement par la publicité, du monopole de la BBC, de la qualité des programmes et de l'impartialité du service public. Quant au rapport Peacock (1986), s'il se prononça pour le maintien de la redevance audiovisuelle, il recommanda dans le même temps la privatisation des chaînes radiophoniques BBC Radio 1 et BBC Radio 2.
Ces questions furent aussi débattues au parlement, où conservateurs et travaillistes s'opposèrent sur la place à accorder au secteur privé et sur le financement de la BBC. En 1986, la nomination de Marmaduke Hussey au poste de Président du Conseil, tout comme la démission forcée du Directeur général, Alasdair Milne, fut perçue par beaucoup comme une tentative de reprise en main par le gouvernement conservateur d'une BBC jugée trop favorable à la gauche.
La culture et la société britanniques
Pendant les années vingt, le monopole de la BBC contribua à unifier le Royaume-Uni, par des émissions écoutées par un nombre croissant de Britanniques. L'influence sur les programmes de John Reith, Directeur général jusqu'en 1938, fut considérable. Attaché au rôle moral et éducatif de l'institution, il privilégia une vision ambitieuse de son contenu culturel, tout en veillant à ce que l'ensemble de la population trouve son compte dans les programmes. Il devint toutefois vite apparent que les auditeurs souhaitaient davantage de choix, et à partir de 1930 la coexistence d'un programme national de radio et de programmes régionaux permit de répondre partiellement à cette attente.
En 1940, la création d'une programmation destinée aux militaires, le BBC Forces Programme, en complément du Home Service, fut un succès immédiat. Dans une nette rupture avec les années reithiennes, le choix fut fait, à partir d'une étude des attentes des auditeurs (BBC Listener Research), de privilégier le divertissement. Le ton devint plus informel et les accents se diversifièrent. Grâce à des émissions comme It's That Man Again (1939-1949), très écoutée sur le front intérieur, la BBC permit d'unir la population dans le cadre de l'effort de guerre, à défaut de surmonter les clivages sociaux.
La création de trois radios distinctes au sortir de la guerre fut conçue à l'intention des principales catégories sociales : la BBC Light Programme, avec ses émissions de divertissement populaires, était destinée au plus grand nombre, alors que la BBC Home Service s'adressait davantage aux auditeurs des classes moyennes et la BBC Third Programme aux élites intellectuelles et culturelles.
A partir des années 1950, la BBC adapta petit à petit son offre à une société en plein changement. Des séries au long cours, comme The Archers (1951) et EastEnders (1985) qui mettent en scène la vie de communautés rurale et urbaine, intégrèrent maintes évolutions sociétales au fil des décennies, tandis que l'ouverture aux cultures populaires et à diverses minorités constituèrent une réponse au besoin des Britanniques d'un intermédiaire culturel capable de les aider à penser et reconnaître leur pays.
En somme, dans une démarche relevant notamment de l'histoire des médias, dont Asa Briggs fut un pionnier par son histoire remarquée de l'audiovisuel britannique (A History of Broadcasting in the United Kingdom, Oxford University Press, 5 volumes, 1961-1995), l'étude de la BBC permettra de mieux comprendre la manière dont ce service public singulier s'imposa comme un acteur essentiel de la vie du pays, accompagnant avec plus ou moins de succès les évolutions de la société.
Le 26 août 1920, le 19e amendement, qui interdit toute restriction liée au genre dans l'accès au suffrage, était intégré à la Constitution des États-Unis, marquant la fin d'un long combat pour le droit de vote des femmes. Mais si cet amendement fut un moment important dans l'histoire de la démocratie étatsunienne, l'un des enseignements majeurs de l'historiographie récente est qu'il ne peut être considéré comme la fin de la lutte pour le suffrage féminin : si elle commença bien avant 1920, elle se poursuivit longtemps après. Il convient de ce fait de l'étudier sur la longue durée, depuis la Déclaration d'indépendance jusqu'au Voting Rights Act de 1965.
Dans un premier temps, il importe de situer les grandes étapes du suffrage féminin dans leur contexte institutionnel. Le droit de vote aux États-Unis n'est pas garanti par la Constitution : il n'apparaît pas dans le texte de 1787, tandis que les 15e (1870) et 19e amendements ne mentionnent que l'impossibilité de le limiter sur la base de l'appartenance ethno-raciale ou du sexe. Aux débuts de la République américaine, le droit de vote relève de la prérogative des États fédérés et est envisagé comme un privilège lié à la propriété plutôt que comme un droit. Si les constitutions votées alors au niveau des États mettent en place le suffrage censitaire masculin, le New Jersey se distingue en accordant le droit de vote aux femmes selon les mêmes conditions de propriété que les hommes. Les historiens ont proposé plusieurs raisons pour élucider cette « exception du New Jersey » (Rosemarie Zagarri), parmi lesquelles le jeu politique partisan. En 1807, la législature de l'État mit un terme à cette exception en limitant le droit de vote aux hommes blancs payant des impôts, avant de s'aligner en 1844 sur l'ensemble des États qui, au cours de la première moitié du XIXe siècle, étendirent le droit de vote à tous les hommes blancs, sans condition de propriété.
Après la Guerre de Sécession, les débats sur les droits des anciens esclaves aboutissent en 1870 à l'adoption du 15e amendement, qui élimine toute restriction liée à l'appartenance ethno-raciale dans l'accès au droit de vote, sans établir le suffrage universel. Il s'agit d'une défaite majeure du suffragisme, malgré la création d'associations comme l'American Equal Rights Association en 1866, l'American Woman Suffrage Association et la National Woman Suffrage Association en 1869. À cette période, le mouvement des suffragettes se divise à cause d'inimitiés personnelles et de désaccords sur le soutien au 15e amendement ; les dissensions relatives aux stratégies à adopter perdurent jusqu'en 1920, même après la réunion de ces associations en 1890. La stratégie dite du « nouveau départ » (new departure) qui vit des centaines de femmes tenter de s'inscrire sur les listes électorales à la fin des années 1860 et au début des années 1870 échoua après que la Cour Suprême affirma dans l'arrêt Minor v. Happersett que la Constitution, en particulier le 14e amendement (1868), ne garantissait pas le droit de vote à tous les citoyens. Si l'adoption d'un amendement fédéral sur le modèle du 15e amendement fut l'objectif privilégié par la National Woman Suffrage Association d'abord, puis la Congressional Union for Woman Suffrage et le National Woman's Party dans les années 1910, les suffragettes s'investirent également dans des campagnes au niveau des États. Le Wyoming devint ainsi en 1869 le premier territoire à voter une loi donnant le droit de vote aux femmes, et en 1890 le premier État où celui-ci est mis en place. Le suffrage féminin fut adopté par référendum dans certains États, notamment de l'Ouest, comme le Colorado en 1893 ou la Californie en 1911. Certaines femmes obtiennent également le droit de vote au niveau local, dans les municipalités, mais aussi dans l'administration des écoles. Ces victoires sont le résultat de stratégies, parfois concurrentes, parfois complémentaires, déployées au fil du temps : de la création de journaux, l'organisation de conventions et de campagnes de pétitions, jusqu'à des stratégies inspirées par des activistes britanniques, telles les parades, et les manifestations devant la Maison-Blanche pendant la Première Guerre mondiale. S'il n'est pas demandé une connaissance fine de toutes ces actions, il convient d'étudier le répertoire des moyens mis en œuvre par les suffragettes comme autant de réponses à des contextes locaux et nationaux, qui aboutissent au soutien public du Président Thomas Woodrow Wilson en 1918, puis au vote du 19e amendement au Congrès en 1919, et à sa ratification en août 1920.
La ratification du 19e amendement ne peut donc se comprendre uniquement d'un point de vue institutionnel, car c'est bien la mobilisation des femmes (et parfois des hommes) sur le temps long qui l'explique. Il est ainsi nécessaire dans un deuxième temps d'étudier les débats sur le droit de vote des femmes depuis la fin du XVIIIe siècle jusqu'en 1920 pour constater la pérennité de certains arguments en faveur du suffrage féminin – par exemple, le discours fondé sur les promesses des droits égaux de la République américaine, l'argument de la complémentarité entre hommes et femmes nécessaire à un gouvernement équilibré et efficace, les services rendus à la nation en temps de guerre, l'imposition. Il n'est pas demandé de connaître l'ensemble des discussions sur le droit de vote des femmes sur toute la période, mais certains moments doivent retenir l'attention : les débats dans le New Jersey entre 1776 et 1807 ; les échanges sur l'opportunité et la nécessité de demander le droit de vote lors des conventions sur les droits des femmes à la fin des années 1840 ; les conflits sur les 14e et 15e amendements qui divisèrent le suffragisme après la Guerre de Sécession ; les débats des années 1910 qui aboutirent à un changement sur la question au sommet de l'État. Il est important de comprendre dans quelle mesure les discours suffragistes répondent également à l'émergence à la fin du XIXe siècle d'un mouvement anti-suffragiste qui s'appuie sur des arguments spécifiques : la question des rôles genrés, l'absence de participation des femmes aux conflits armés, des qualités spécifiquement féminines jugées incompatibles avec une prise de décision rationnelle… Une attention particulière sera portée aux arguments racistes que certaines suffragistes blanches portèrent pendant et après la Reconstruction, opposant suffrage féminin blanc et suffrage masculin noir dans les années 1860, faisant la promotion du droit de vote lié à l'éducation (educated suffrage) et présentant le droit de vote des femmes comme une arme au service du maintien de la suprématie blanche dans le Sud au tournant du XXe siècle.
C'est dans ce contexte qu'il convient d'aborder la troisième thématique, à savoir le combat spécifique des femmes noires pour le droit de vote. Si l'image d'un mouvement suffragiste blanc perdure, notamment à cause des arguments racistes mis en avant par certaines militantes et l'exclusion des femmes de couleur des organisations et actions publiques comme les parades suffragistes dans les années 1910, de nombreuses historiennes à l'instar de Rosalyn Terborg-Penn, et plus récemment Martha Jones et Cathleen Cahill, ont mis en évidence le rôle important joué dans la lutte pour le droit de vote avant et après 1920 par ces femmes marginalisées au sein à la fois du suffragisme et de l'historiographie. L'adoption des lois Jim Crow et le régime de terreur dans le Sud empêchèrent l'accès aux urnes à la grande majorité des femmes et des hommes noirs. En 1940, seuls 3 % des Africains-Américains pouvaient ainsi voter dans le Sud. Il importe d'étudier certaines figures féminines emblématiques qui influencèrent le combat pour le droit de vote, comme Frances Ellen Watkins Harper, Mary Church Terrell, Ida B. Wells-Barnett, et Fannie Lou Hamer. Elles envisageaient le vote comme un moyen de défendre des enjeux propres à la communauté noire à la croisée d'un mouvement qui liait droits des femmes et droits civiques des Noirs (Cathleen Cahill, Martha Jones). Elles furent confrontées à la résistance du mouvement suffragiste blanc avant l'adoption du 19e amendement, ainsi qu'à l'abandon de la cause du droit de vote pour toutes les femmes par de nombreuses militantes blanches après 1920. L'adoption du Voting Rights Act de 1965, qui déclara les restrictions au droit de vote illégales et institua un système de contrôle fédéral sur les lois électorales des États, ne peut être envisagée sans prendre en compte la continuité de leur action sur plus d'un siècle.
Andrew Jackson, septième président des États-Unis (1829-1837), est l'une des rares figures politiques dont le nom permet de désigner un moment de l'histoire du pays. C'est à l'étude de ce moment dit jacksonien que les candidats sont invités à se consacrer. Diversement borné par les historiens, il sera abordé dans le cadre du présent sujet sur une période allant de 1824 à 1848.
La période est connue pour ses avancées démocratiques. Considérée avec méfiance par une partie des élites révolutionnaires à la fin du XVIIIe siècle, l'idée démocratique progresse tout au long de la première moitié du XIXe siècle. Cette Amérique où chaque homme blanc a le droit de vote est immortalisée par Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique (1835-1840), ouvrage publié à l'issue d'un voyage à travers les États-Unis en 1831-1832. L'intérêt que le jeune libéral porte au cas américain ne le rend pas aveugle aux aspects sombres de la démocratie jacksonienne, telle que l'oppression des Noirs et des Amérindiens par les Blancs. Sans être occultée, cette part d'ombre a parfois été marginalisée par les historiens au profit d'une célébration de Jackson comme champion de l'« homme ordinaire » et de son parti comme agent de la démocratie. Cette tradition historiographique a une longue histoire, de The Age of Jackson d'Arthur M. Schlesinger Jr. (1945) à The Rise of American Democracy (2005) de Sean Wilentz. Un courant historiographique concurrent, plus récent, met l'accent sur les limites de la démocratie sous la présidence de Jackson et donne à voir une société violente, clivée, inégalitaire. Daniel Walker Howe évite même l'expression d'« Amérique jacksonienne » dans What Hath God Wrought (2007), afin que la période ne soit pas réduite à la seule figure d'un président controversé.
Sur le plan politique, il convient de s'intéresser aux évolutions en matière de droit de vote. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, l'accès au vote est progressivement élargi à l'ensemble de la population masculine blanche. L'intérêt populaire pour les affaires publiques est entretenu par une presse abondante et accessible, tandis qu'un système d'écoles publiques gratuites et un réseau d'institutions civiques contribuent à la politisation des citoyens. L'élargissement du droit de vote s'accompagne d'une démocratisation des institutions, avec l'adoption du « système des dépouilles », le recours au vote populaire pour désigner les grands électeurs ou encore la tenue de conventions nationales pour choisir les candidats à l'élection présidentielle.
À partir de la fin des années 1820, le paysage politique se caractérise par un retour au système des partis (second party system). Les démocrates, avec à leur tête Andrew Jackson et son successeur à la Maison Blanche, Martin Van Buren, s'opposent aux républicains nationaux, plus tard connus sous le nom de whigs. Le Parti whig est favorable à un État fédéral fort au service de la croissance économique et du développement industriel (American System). Ses représentants, John Quincy Adams ou Henry Clay, se réclament du progrès et de l'esprit de réforme. Sous la bannière du laissez-faire, le Parti démocrate entend pour sa part préserver la liberté individuelle et la souveraineté des États. Il se présente comme le défenseur du peuple contre une élite supposément corrompue, incarnée notamment par la Banque des États-Unis dont Jackson empêche la charte d'être renouvelée en 1836 (Bank War).
Par son discours égalitariste, le Parti démocrate fédère nombre de petits agriculteurs, d'artisans et d'ouvriers, mais la démocratie jacksonienne se caractérise aussi par l'exclusion des minorités ethniques et des femmes. Les Noirs libres qui disposaient du droit de vote en sont largement privés, tout comme les femmes, qu'elles soient noires ou blanches.
Cette démocratisation partielle s'inscrit dans un contexte économique dont il convient d'étudier les effets sociaux et politiques. Au Nord, la période est dominée par ce que l'historien Charles Sellers a appelé la « révolution du marché » : industrialisation et urbanisation, développement des transports et communications, émergence d'une économie capitaliste moderne qui transforme le travail. Alors que l'artisanat décline au profit du travail en usine, une conscience de classe prend corps chez les ouvriers. Les jeunes travailleuses des usines textiles de Lowell, dans le Massachusetts, se mettent en grève pour obtenir la journée de dix heures. Les hommes créent d'éphémères formations politiques (Workingmen's Parties) dans les années 1820 et 1830. La classe ouvrière naissante compte de nombreux immigrants irlandais, qui affluent aux États-Unis dans l'espoir d'y trouver une vie meilleure. C'est souvent un extrême dénuement qui les attend, ainsi que le rejet xénophobe des nativistes.
Au Sud, l'esclavage s'enracine et s'étend vers l'Ouest à la faveur de l'expansion territoriale, de la culture du coton et de la traite interne des esclaves. L'esclavage trouve de solides appuis au niveau fédéral, où l'on n'hésite pas à bafouer les libertés démocratiques pour faire taire les demandes d'abolition (gag rule). Plus l'esclavage fait l'objet de critiques dans l'espace public, plus il est défendu par ses apologistes : le politicien John C. Calhoun en parle en 1837 comme d'un « bien positif » ; quelques années plus tôt, sa défense des intérêts esclavagistes mène à la « crise de la nullification ».
La question indienne est également au cœur du sujet. En 1830, l'Indian Removal Act ouvre la voie à la déportation des « cinq tribus civilisées » du Sud à l'ouest du Mississippi, libérant ainsi des terres pour les agriculteurs blancs. Un quart des Cherokees expulsés de leurs terres en 1838 meurent sur le « sentier des larmes ». Seuls les Séminoles, alliés à des esclaves fugitifs, parviennent à opposer une résistance durable (seconde guerre de Floride, 1835-1842). Dans l'Illinois, la guerre de Black Hawk (1832) décime les Sauks et Fox. Cette politique indienne s'inscrit dans un contexte d'expansion vers l'ouest de la nation dont les années 1840 marquent le point culminant. La « destinée manifeste » des États-Unis ne fait pas pour autant l'objet d'un consensus : la guerre contre le Mexique (1846-1848) donne lieu à de vives controverses.
La société civile, dont Tocqueville souligne la vigueur, prend position sur ces enjeux. Des mouvements sont lancés en faveur d'une démocratie interraciale. L'année de l'accession au pouvoir d'Andrew Jackson est aussi l'année de publication de An Appeal to the Colored Citizens of the World (1829) de David Walker. Deux ans plus tard, William Lloyd Garrison fonde The Liberator à Boston. Dans les années 1840, des partis antiesclavagistes radicaux (Liberty Party) ou modérés (Free Soil Party) sont créés. Les abolitionnistes radicaux dénoncent par ailleurs la déportation des Indiens comme une même attaque contre les droits humains. Les femmes du Nord sont actives sur les deux fronts, ainsi que dans d'autres mouvements de réforme sociale.
Ce réformisme social s'inspire du deuxième Grand Réveil évangélique, ainsi que de diverses formes de spiritualité, de philosophie et d'expériences communautaires. Les revivals organisés sous la houlette de prédicateurs itinérants tels que Charles G. Finney se veulent de grands rassemblements populaires où un message optimiste de perfectibilité de la nature humaine et de la société est diffusé. Réunis autour de la revue The Dial, les transcendentalistes – Ralph Waldo Emerson, Henry David Thoreau, Margaret Fuller – affirment l'égalité de tous les citoyens. Certains participent à la création de Brook Farm, l'une des communautés utopiques fondées pendant la période (New Harmony, Nashoba, Northampton, etc.).
Véritable laboratoire de la démocratie, les États-Unis suscitent l'intérêt de commentateurs étrangers, comme Harriet Martineau, Charles Dickens ou Tocqueville, dont les récits de voyage permettent de mieux comprendre un pays en pleine mutation.
N.B. : Les éditions sont données à titre indicatif.
Le programme sur le site du Ministère de l'Education Nationale.